Le Figaro
« Pénurie préoccupante de médicaments indispensables »
Anne-Laure Lebrun constate en effet dans Le Figaro que « l’an dernier, quelque 530 médicaments essentiels ont été en rupture de stock, soit 30% de plus qu’en 2016, d’après les données de l’Agence nationale du médicament (ANSM). Une hausse inédite qui a fait réagir le Sénat. Une mission d’information a été créée «afin d’identifier les raisons de ces pénuries et formuler des propositions pour lutter à l’avenir contre ce phénomène» ».
La journaliste rappelle que « depuis plusieurs années, les professionnels de santé tirent la sonnette d’alarme, en particulier sur les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur, c’est-à-dire ceux dont l’indisponibilité «est susceptible de mettre en jeu le pronostic vital des patients à court ou moyen terme, ou représente une perte de chance importante pour les patients» ».
Marie-Christine Belleville, de l’Académie de pharmacie, précise que « les pénuries concernent surtout des vieilles molécules aujourd’hui génériquées. En infectiologie et en cancérologie, la situation est particulièrement dramatique ».
Anne-Laure Lebrun ajoute que « dans les services hospitaliers, trouver certains antibiotiques est devenu un casse-tête ». Le Dr Bernard Castan, responsable de l’unité d’infectiologie d’Ajaccio, indique ainsi que « ces deux dernières années, nous avons dû trouver en urgence une solution pour remplacer la pénicilline ou l’amoxicilline. Et parfois, nous avons dû recommander des médicaments moins pertinents et plus agressifs qui augmentent le risque de résistance bactérienne ».
La journaliste note en outre qu’« en oncologie, les médecins se retrouvent également démunis. Les alternatives sont parfois inexistantes ou insatisfaisantes ». Le Pr Jean-Paul Vernant, hématologue à la Pitié-Salpêtrière, observe : « Par exemple, l’alternative du melphalan est un pis-aller. Elle a une toxicité cardiaque que n’a pas le melphalan et a une durée d’action différente. Plus préoccupant, si l’aracytine, utilisé dans la leucémie aiguë myéloïde, venait à manquer nous n’aurons rien pour le remplacer. De même, pour le 5-FU utilisé dans les tumeurs solides ».
Anne-Laure Lebrun relève que « dans ces situations, le laboratoire exploitant le médicament concerné, en lien avec l’ANSM, peut mettre en place «une priorisation de l’utilisation pour certains patients ou certaines indications, ce qui permet de répondre transitoirement aux besoins des patients les plus à risque», explique l’agence sanitaire ».
« Dans le cas où ces mesures seraient insuffisantes, l’importation de médicaments disponibles à l’étranger peut s’avérer indispensable. C’est ainsi qu’en 2017 la France a dû importer d’Espagne ou de République tchèque un antibiotique, ou importe d’Australie depuis bientôt un an un anticancéreux », poursuit-elle.
Le Dr Castan observe toutefois que « ces mesures peuvent entraîner un effet domino. En se tournant vers une autre spécialité, nous risquons de la mettre en tension et provoquer une rupture ».
Anne-Laure Lebrun relève que « pour l’Académie de pharmacie, l’une des solutions est de relocaliser la production des substances actives en Europe. […] L’Académie propose également de réviser le prix des molécules indispensables qui, pour les industriels, sont considérées comme moins rentables en France que dans d’autres pays ».
Les causes de l’augmentation de la pénurie de médicaments vitaux sur le marché français sont multiples : sur la forme, l’ANSM cite les défaillances de l’outil de production (44%), des difficultés d’approvisionnement en matière première (17%), des défauts de qualités produits finis (13%) et matières premières (5%) ainsi que des modifications d’autorisation de mise sur le marché (8%). Sur le fond, elle s’inquiète des “nouvelles stratégies industrielles de rationalisation des coûts de production qui conduisent les laboratoires à produire en flux tendu.