C’est intriguant quand on sait que l’OCLAESP a mené l’enquête suite aux décès inattendus de quatre patients au CHU de NANTES, suite à l’administration d’ENDOXAN, le 10 novembre 2016
Un partenariat entre l’industrie pharmaceutique et l’Office central de lutte contre les atteintes à la santé publique sème le trouble…

La question du lobbying des laboratoires pharmaceutiques auprès des services de l’État va animer les débats des prochaines semaines au procès du Mediator. Les associations de victimes et leurs avocats estiment en effet que c’est en raison de liens (trop) étroits que le groupe Servier a noués avec les experts, mais aussi avec les décideurs de l’Agence du médicament, que ce dérivé d’amphétamine a pu être mis sur le marché et, surtout, rester commercialisé pendant trente ans, causant la mort de milliers de personnes (la Caisse nationale d’assurance maladie évalue à environ 2 000 le nombre de décès directement imputables à ce produit dont la dénomination générique est le benfluorex).
Cette question du lobbying se repose aujourd’hui avec acuité à la faveur de la signature d’un partenariat entre l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp), d’une part, et un groupement de laboratoires pharmaceutiques, d’autre part. Cette alliance entre le département de la gendarmerie nationale chargé d’enquêter sur les dossiers sanitaires et le G5 Santé, qui se présente comme le « porte-voix des industries de santé françaises » (et rassemble les sociétés bioMérieux, Guerbet, Ipsen, LFB, Pierre Fabre, Sanofi, Servier et Théa), a pour objet la lutte contre la contrefaçon de médicaments.
Coopération contre la contrefaçon
L’accord, signé le 9 janvier dernier, officialise une coopération qui vise, depuis plusieurs années, à « lutter plus globalement contre le crime pharmaceutique et diagnostique », indique Didier Véron, président par intérim et porte-parole du G5 Santé. « C’est un véritable enjeu de santé publique », argue-t-on du côté de la gendarmerie, où l’on souligne que les faux médicaments causent, chaque année, des centaines de milliers de morts à travers le monde. « La convention conclue entre l’Oclaesp et le G5 s’inscrit clairement dans la volonté du ministère de l’Intérieur de développer une politique de coproduction de sécurité avec des partenaires privés », évoque la cellule communication de la gendarmerie.
Vives protestations
« L’idée d’un partenariat entre les entreprises pharmaceutiques et les services de la gendarmerie spécialisée est proprement hallucinante », proteste l’avocat des victimes du Mediator, Charles Joseph-Oudin. « Comment imaginer un partenariat entre les laboratoires Servier et l’Oclaesp alors que les gendarmes ont enquêté et permis le renvoi des laboratoires Servier devant le tribunal correctionnel pour un scandale de santé publique majeur ? » poursuit-il.
Maître Joseph-Oudin rappelle que l’Oclaesp est chargé de l’enquête pénale sur la Dépakine : un antiépileptique du laboratoire Sanofi, accusé d’entraîner de graves malformations, des retards intellectuels et des problèmes mentaux chez les enfants exposés, mais aussi les bébés dont la mère a consommé ce produit pendant sa grossesse. « Ce partenariat rappelle des heures sombres du fonctionnement de l’Agence du médicament dans laquelle siégeaient des représentants des laboratoires… Ce mélange des genres entre gendarmes et industriels est inadmissible », tacle l’homme de loi. « Ce qui est en jeu, c’est l’indépendance des enquêteurs, une indépendance qui est aujourd’hui menacée par l’entrisme des laboratoires », surenchérit un médecin qui a eu à se pencher sur les deux dossiers du Mediator et de la Dépakine.
Une galette des Rois qui tombe mal
« Les divisions chargées des investigations sont bien distinctes du pôle prospective, chargé de ce partenariat. Et, faut-il le rappeler ? Les officiers-enquêteurs sont placés sous l’autorité de magistrats indépendants », émet un haut gradé de la gendarmerie, dans l’espoir de calmer les inquiétudes. Le fait que les membres des deux entités aient « tiré les rois » ensemble, le 9 janvier, n’est cependant pas de nature à apaiser les esprits. « On a clairement l’impression que les laboratoires essayent d’amadouer les services d’enquête en se rapprochant d’eux », émet un ancien militaire, qui regrette que son ancienne maison ait ainsi compromis son image. « J’ai le sentiment que la gendarmerie n’a pas tiré tous les enseignements de l’affaire Mediator », regrette un autre.